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Viticulture : quelles adaptations au changement climatique ?



L’année 2022 a confirmé que la fréquence des risques de gel, de canicule et de manque d’eau augmente. La vigne a certes plutôt bien résisté et le millésime 2022 s’annonce très bon, mais, pour tous les acteurs, la nécessité d’adapter la filière viticole au climat de demain devient une nécessité Cette filière a engagé en 2017 des travaux qui se sont appuyés sur le programme « LACCAVE » de l’INRAE. Ces travaux ont permis à la filière viticole française de présenter, le 26 août 2021, au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, sa stratégie d’adaptation face au changement climatique. Les résultats ne se cantonnent pas, loin s’en faut, à l’introduction de nouveaux cépages plus adaptés ou à l’amélioration des techniques de vinifications. Sept domaines avec quarante actions prioritaires ont été retenus : 1. Améliorer la connaissance des zones viticoles Comment ? En effectuant un travail de caractérisation de la résistance et la résilience des différents sols qui permettra de piloter les choix techniques des exploitations (matériel végétal, orientation des rangs, mode de conduite…). 2. Agir sur les conditions de production, en mettant l’accent notamment sur une gestion plus économe de l’eau Elle préconise toutefois le développement des stockages d’eau mais l’actualité récente montre que l’accès à cette ressource qui est un bien commun pose des problèmes règlementaires. Nathalie Ollat, une des participantes au programme LACCAVE et professeur à l’ISVV ( Institut de Sciences de la Vigne et du Vin à Bordeaux) alerte : « La date butoir du 15 août à partir de laquelle aucune irrigation n’est possible sauterait. Nous sommes très inquiets de l’utilisation de l’irrigation en viticulture et nous essayons de promouvoir d’autres leviers d’adaptation. On a peur que la généralisation de cette pratique de l’irrigation touche les ressources en eaux qui restent limitées. On peut se poser la question : la vigne, qui n’est pas une culture à des fins alimentaires, est-elle prioritaire ? » Des dérives sont possibles également. « L’eau apportée permettra le maintien de la qualité mais elle peut augmenter aussi les rendements. » Des tentations que la règlementation devrait pourvoir contenir. Le CIVB (Bordeaux), par la voix de Marie-Catherine Dufour, indique quant à lui : « Il faudra qu’on ait une vision globale au niveau du département sur la question du partage de la ressource en eau. Pour le moment on n’est pas trop irrigation. »

3. Favoriser un matériel végétal adapté Sans aucun doute un des leviers les plus puissants pour adapter la vigne à une augmentation des températures et du stress hydrique, ainsi qu’à la production de raisins trop riches en sucre. Des expérimentations sont conduites afin d’évaluer les fameuses VIFA (Variétés d’Intérêt à Fin d’Adaptation) qui présenteraient un potentiel d’adaptation. Cette introduction est limitée à 5 % dans l’encépagement et à 10 % dans les assemblages afin de limiter les effets sur les caractéristiques et l’identité du vin. Axel Marchal, de l’ISVV nuance : « Regardons comment le merlot a résisté en 2022. On a voué ce cépage aux Gémonies en disant que c’était le cépage d’hier et qu’il était totalement inadapté. Contrairement à toute attente, on a des merlots qui, sur les sols adaptés, sont délicieux. Je suis scientifique mais je suis pragmatique. C’est bien d’avoir des théories anticipatives mais c’est bien aussi de se confronter à la réalité. » Tout en indiquant « Je pense qu’il ne faut pas tout bouleverser par crainte, ce qui ne veut pas dire ne rien changer : il faudra adapter les pratiques viticoles. »

4. Agir sur les pratiques œnologiques Le réchauffement climatique rend les raisins plus riches en sucre et donc les vins plus alcoolisés. Il s’agira de corriger ces effets en agissant sur la sélection des levures, le désucrage des moûts, la désalcoolisation des vins, et l’acidification des vins. Tout cela en garantissant l’identité des vins liés à une appellation. Axel Marchal se plaît à citer Denis Dubourdieu qui disait que vinifier c’était « guider le phénomène de la transformation du raisin en vin en intervenant le moins possible mais à bon escient. »

5. Suivre les évolutions du marché et garantir la production La quantité et la qualité des vins ainsi que les coûts de production sont susceptibles d’évoluer. Il faudra donc soutenir financièrement l’installation de dispositifs antigel, anti grêle ou de lutte contre la sécheresse afin de mieux garantir les volumes et la qualité. Une nouvelle gestion des ressources humaines doit être anticipée : nouvelles formes d’organisation du travail, aménagement des horaires en fonction des fortes températures, port des équipements de protection individuelle. Mais également inciter les exploitations à contracter des assurances climatiques.

6. Renforcer la recherche, le développement, le transfert et la formation Ce levier est prometteur : une feuille de route R&D viendra compléter la stratégie d’adaptation de la filière vin face au changement climatique.

7. Contribuer à l’atténuation du changement climatique, en favorisant : – La captation du carbone par les sols. Ces pratiques sont identifiées par l’initiative 4 pour 1000 de l’INRAE. – La diminution de l’utilisation des carburants fossiles. – La conception de bâtiments et d’équipements de cave adaptés. – La réduction de l’empreinte carbone du conditionnement du vin. La filière des vins de Bordeaux organisera, le mardi 24 janvier, son 13eForum Développement Durable des vins de Bordeaux. Il présentera aux 400 vignerons et négociants attendus des « voies de réduction des émissions de carbone. » Toutes ces préconisations doivent être mises en application avec rigueur mais aussi avec une certaine prudence. « Le changement climatique doit être dans toutes nos têtes. Pour autant on ne doit pas avoir des réponses qui soient celle de la panique ou de la communication » nous dit Axel Marchal. Même s’il se dit pragmatique et appelle à une certaine prudence, il tient à préciser que « le danger, c’est de dire ‘’moi je suis très traditionnel donc je ne veux rien changer’’. Si on ne change pas les pratiques sur une matière qui a évolué, le risque est de s’exposer à des déconvenues. » Pour autant il convient de veiller à conserver ce qui fait la force d’un vin : son identité. Il ajoute « Le changement climatique est une menace pour le lien entre le goût du vin et son origine, mais il ne faudrait pas, pour répondre à cette menace, en introduire une qui serait pire. Les réponses doivent donc se faire dans le respect de l’identité des vins, de la vigne jusqu’au verre du consommateur. Il ne faut pas trahir son terroir. » Cette conclusion illustre le challenge : changer ses pratiques tout en ne perdant pas son âme.




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