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Drappier, quand le champagne met à l’honneur la cuisine de conservation.



Chez Drappier, lorsqu’il y a des clients de passage, c’est l’épouse de Michel, la mère de Charline, qui se met aux fourneaux, et qui propose une cuisine traditionnelle accordant une grande place aux produits de conservation. La Maison étudie un projet pour ouvrir davantage au public cette « Table de famille », qui porte en elle toute une philosophie du terroir dont Charline a accepté de nous parler. Pour ceux qui ne connaissent pas cette pépite de la Côte des Bar, venez la découvrir à Champagne Tasting, le 13 mai prochain au Palais Brongniart !


Vous prêchez en faveur de la remise à l’honneur de la cuisine de conservation…. Ma réflexion a eu pour point de départ la lecture du livre de Ryoko Sekiguchi « Nagori, La nostalgie de la saison qui vient de nous quitter ». La mode aujourd’hui est de prôner la cuisine de saison. Les grands chefs passent leur temps à dire qu’il ne faut manger des tomates qu’en été ! Mais la cuisine de conservation, qui utilise des moyens très naturels comme la salaison, le fumage, la fermentation, les bocaux sous vide… est un outil extraordinaire qui permet de prolonger le sentiment d’une saison à un autre moment de l’année, exactement comme le champagne d’ailleurs ! Elle implique une transformation, une notion là encore que nos contemporains n’aiment pas forcément, et qu’ils rattachent à l’idée d’industrie. De plus en plus, tous les produits doivent être les plus bruts possible, natures, y compris les vins, alors qu’il y a tellement de choses que la main de l’homme peut aussi amener à sublimer…


Les gens confondent le fait d’avoir une cuisine où la main s’efface avec une absence d’intervention, or on peut très bien avoir une intervention majeure dont tout l’art est de ne pas se voir… Il y a là un malentendu. C’est vrai qu’on a l’impression qu’il faut toujours en faire le moins possible. On parle par exemple de vinification minimaliste, alors qu’en réalité il faut parfois intervenir et accompagner avec justesse, mais le plus discrètement possible. Il faut souligner aussi le caractère écologique de la cuisine de conservation qui évite le gaspillage. Lorsque vous avez des vergers et que vous avez des dizaines de kilos de fruits que vous ne pouvez pas consommer instantanément, le recours à ces techniques apparaît comme une évidence. La logique est beaucoup plus fluide que lorsque vous avez l’habitude d’acheter vos fruits sur le marché, où vous n’avez pas cette pression. D’ailleurs, si cette cuisine disparaît, c’est d’abord parce que les gens n’ont plus de jardin. L’autre raison, c’est qu’elle demande énormément de travail. La cuisine de conservation est une cuisine de patience, on se met en famille pour la cueillette, puis le dénoyautage … Mais après, on en a pour toute l’année. C’est un peu comme le champagne, très long à élaborer, mais très rapide quand il s’agit de le sortir !


Cette cuisine de transformation est qui plus est éminemment traditionnelle… Dans ma famille nous l’avons toujours pratiquée. L’Aube vivait beaucoup de la polyculture et c’était encore le cas dans les années 1960 1970. Mes grands-parents étaient vignerons mais ils étaient aussi fermiers, ils avaient des vergers, ils élevaient des lapins… On récoltait les cerises pour en faire des bocaux et nous faisions des terrines qui pouvaient durer plusieurs mois, ma mère le fait encore ! C’est donc assez naturellement que nous associons le champagne à cette cuisine un peu simple, mais tellement gouteuse, même si cette réunion de l’extérieur peut paraître un peu antinomique. Prenez les terrines, c’est un aliment qui est à la fois très fin et pas trop gras, qui ne couvre pas le champagne, ni par sa graisse, ni par son aromatique.


Le coing tient une place particulière chez vous… Oui, parce que c’est l’un des arômes qui distinguent le pinot noir de l’Aube. Sur notre terroir, ce cépage a une certaine puissance, il a un côté un peu rôti, et le coing qui est un arôme très mûr et concentré en est la signature. Vous le trouverez ainsi sur notre Brut Carte d’or. Il est par ailleurs le symbole même de cette cuisine de conservation, parce qu’il n’est comestible que s’il est transformé ! Essayez d’en manger cru… C’est le côté magique, l’homme doit y apporter sa patte, c’est aussi un produit mystérieux avec des vertus thérapeutiques, on dit que le sirop de coing soigne très bien la gorge. Il s’agit enfin de l’un des fruits les plus écologiques, les arbres poussent tout seuls n’importe où, et le fruit est tellement concentré et aromatique, qu’avec un petit bocal tu tiens un an ! Pour le champagne, on va l’associer en condiment avec le fromage. Le top ? Un vieux comté, de la gelée de coing, et un vieux millésime.


Une technique intéressante réside dans la fermentation… Oui, celle du chou par exemple. Lors de la fête du champagne, nous tenions un stand avec la famille Laurent qui proposait pour accompagner nos cuvées des beignets de choucroute. La cuisine frite fonctionne très bien avec le champagne, la choucroute a quelque chose de filandreux et cela ressemble à de la tempura lorsque tu la plonges dans l’huile bouillante. On n’a pas du tout la consistance lourde d’une pâte à beignet, mais quelque chose d’aérien et de croustillant. Cela reste un de mes meilleurs souvenirs.

Si on parle dessert, les conserves offrent aussi des pistes intéressantes… Chez nous, c’est le royaume de la cerise aigre, la griotte de Champagne, que l’on conserve dans de l’alcool tout l’hiver. La tarte aux cerises aigres est l’un des rares desserts qui, je trouve, fonctionne bien avec le champagne, parce que c’est très acide … Dans le même esprit il y a la rhubarbe que l’on peut conserver en compote pour en faire des fonds de tarte.




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